Porté par la coalition sortante au pouvoir, le candidat Amadou Ba veut gagner l’élection présidentielle dès le premier tour, le 24 mars 2024. L’ex premier ministre tout juste libéré le 6 mars dernier par le président Macky Sall pour se concentrer sur sa campagne, veut entamer la mise en œuvre de sa « vision à long terme » pour le Sénégal.
Candidat de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY, unis pour un même espoir), Amadou Ba, 62 ans, présente « un programme transformateur et réaliste ». Conçu et élaboré par des leaders et cadres de BBY et des experts indépendants du pays, son projet est intitulé « En paix vers la prospérité partagée ». Il se fonde « sur les bases et les acquis définis dans le Plan Sénégal Émergent (PSE) », qui a guidé la gouvernance du président sortant Macky Sall au cours de ses deux mandats.
Économiste de formation, cet énarque estime que la « seule finalité » de son programme est « la prospérité pour toutes et tous, la prospérité partagée ». Ainsi, souhaite-t-il, l’accélération de « la transformation structurelle de l’économie » ainsi que la croissance pour construire une économie compétitive, inclusive, résiliente et créatrice d’emplois décents « avec plus d’un million d’emplois à créer d’ici à 2028 ».
Le candidat Ba entend miser « sur la richesse humaine » dans le but de renforcer la résilience des communautés face aux risques de catastrophes.
S’il est élu cinquième président de la République du Sénégal, il promet aussi de relever le défi de la paix véritable, « pour une gouvernance et une diplomatie orientées stabilité et sécurité » portée par le leadership d’une administration publique, moderne, transparente et performante.
Candidat des « ruptures »
« Notre conviction profonde est que les pratiques de bonne gouvernance contribuent à l’efficacité et à l’efficience des politiques publiques. La bonne gouvernance suppose la mise en place d’un État de droit et d’Institutions fortes dans un environnement de paix, de stabilité et de sécurité. Notre programme de gouvernance puise son énergie dans la paix et la sécurité pour l’ensemble des Sénégalaises et des Sénégalais, dans leur personne et leurs biens, leur intégrité et leur dignité », s’engage l’ancien chef de gouvernement qui, avant d’occuper cette fonction, avait été à la tête de plusieurs ministères importants sous le magistère de Macky Sall.
Alors que le slogan de « candidat de la continuité » lui collait jusque-là sur le dos, M. Ba, qui a longtemps exercé la fonction d’inspecteur des impôts et domaines, martèle la nécessité « de créer les vrais changements et ruptures tout en préservant les acquis et en sauvegardant les valeurs et le patrimoine de la nation ». En cas de victoire, il entend se concentrer sur la période des quatre prochaines années pour réussir sa mission à la tête de l’Etat.
Selon lui, le coût des projets, programmes et réformes du Sénégal, au titre de la séquence 2024-2028, est estimé à 27.182 milliards de francs Cfa, dont 14.511 milliards pour le public et une contribution attendue du secteur privé évaluée à 45% du montant global.
Dans son programme de campagne, il promet que cette politique réformatrice se concentrera à 63,5% sur le développement des infrastructures et services énergétiques, l’agriculture, l’industrie les infrastructures et services de transports routiers. L’éducation et la formation, la santé et la nutrition, l’eau et l’assainissement, l’urbanisme et l’habitat. L’environnement et le développement durable, eux, absorberont 25,7% là où 10,8% de cet important budget serviront à l’amélioration de la performance, la qualité et l’accessibilité du service public, l’équité sociale et territoriale, la justice en plus de la sécurité et de la souveraineté.
Un budget de plus de 27.000 milliards
« Toutes ces réformes nécessitent d’importants financements que nous parviendrons à mobiliser pour concrétiser la vision que nous avons pour notre cher Sénégal » assure l’ancien ministre de l’Economie et des Finances.
Celui qui se définit comme « un candidat fédérateur pour un Sénégal stable, prospère et en sécurité » revendique que « depuis mon entrée dans la fonction publique à ce jour, je suis un serviteur de l’État. J’ai pu contribuer à de belles réalisations dont je suis fier mais j’ai aussi appris de mes axes d’amélioration. Mon parcours m’a conduit à servir sur le plan fiscal et des finances publiques, des affaires domaniales, de l’économie et de la diplomatie. J’ai compris la nécessité de réserver une place primordiale à l’anticipation des problèmes, au respect de la dignité humaine, à la sacralité du travail bien fait, à la préservation des ressources publiques, à l’équité dans la distribution des richesses et à l’épanouissement de l’être humain sans discrimination aucune ».
Amadou Ba, qui a passé de longues années dans l’administration avant de plonger activement dans la politique après la victoire de Macky Sall sur Abdoulaye Wade à la présidentielle de 2012, est été directeur général des Impôts et domaines. Il a été ensuite, pendant six ans, ministre de l’Économie et des Finances (2013 – 2019) au cours du premier mandat de Macky Sall. Au cours de cette mission, il est allé défendre à deux reprises en France, en 2014 et 2018, au Club de Paris, le Plan Sénégal émergent (PSE), le programme de gouvernance du président sortant, récoltant plusieurs promesses de financement de la part des investisseurs. De ces épisodes, il a aussi gagné en notoriété, mais aussi provoqué des inimitiés.
Un parcours politique tourmenté
Les jalousies provoquées par ses succès au département des Finances seraient, selon certains observateurs, a l’origine de sa mutation à la tête des Affaires étrangères après la présidentielle de 2019. Poste qu’il ne conservera pas longtemps, puisqu’il est évincé du gouvernement quelques mois après sa nomination, en compagnie de plusieurs proches du président Macky Sall. Ses adversaires au sein de la majorité au pouvoir l’accusaient alors d’être pressé d’occuper le fauteuil présidentiel.
Ce n’est qu’à la suite du rétablissement du poste de Premier ministre que le responsable de l’APR (le parti du président Sall) aux Parcelles assainies, une commune de la banlieue dakaroise, a marqué son retour aux affaires.
Toutefois, Amadou Ba devra lutter contre certaines péjorations, comme cette réputation de « fonctionnaire milliardaire » ou « corrupteur », dont l’affublent certains adversaires. Le candidat de la majorité présidentielle a été récemment cité dans l’affaire supposée de corruption de deux juges du Conseil constitutionnel qui a plongé pendant plus d’un mois le pays dans une crise institutionnelle avec l’abrogation du décret convoquant le corps électoral pour le scrutin qui était initialement prévu le 25 février et le vote d’une loi pour le report de la présidentielle au 15 décembre 2024.
L’accusation a été brandie par les députés du Parti démocratique sénégalais (PDS) de l’ex-président Abdoulaye Wade après que la candidature de son fils, Karim Wade, a été invalidée par la haute juridiction pour le motif que l’opposant exilé au Qatar depuis plusieurs années n’avait pas renoncé à sa nationalité française. Le Conseil interviendra plus tard pour annuler l’abrogation du décret par chef de l’Etat et la décision de report de l’élection par le parlement. Le 6 mars dernier, il décide de fixer la date du premier tour au 31 du même mois, après une saisine de candidats de l’opposition. Cette date a été finalement raccourcie par décret présidentiel au 24 mars.
Alors que des observateurs de la vie politique sénégalaise indiquaient que le camp du pouvoir voulait changer de candidat, d’où la perturbation du processus électoral, Amadou Ba n’a pas jugé utile de démissionner de son poste de chef de gouvernement, malgré l’ampleur des accusations à son encontre. Si le chef de l’Etat lui a renouvelé sa « confiance » en conseil des ministres, il a décidé de le débarquer mercredi 6 mars pour lui permettre de se concentrer sur sa campagne, d’après certains discours officiels.
ODL/ac/APA