Au cours des trois dernières années, l’Etat du Sénégal a supporté pour un montant de 1800 milliards de francs CFA les coûts de l’énergie sans cibler les bénéficiaires de ces frais sur le budget national, a indiqué une mission du Fonds monétaire international (FMI) en fin de séjour à Dakar.
Le Sénégal peut percevoir une enveloppe de « 230 milliards de francs CFA », dans les prochains mois, s’il parvient à un accord sur les réformes préconisées par le Fonds monétaire international (FMI). Des émissaires de l’institution de Bretton Woods, en séjour à Dakar depuis le 6 juin dernier, dans le cadre de la deuxième revue du programme économique et financier, ont rencontré la presse mercredi 19 juin pour faire part des perspectives économiques « en baisse » en 2024, une situation qui appelle à procéder à des changements rapides de la part des nouvelles autorités sénégalaises pour un tableau plus reluisant en 2025.
Edward Gemayel, chef de la mission du FMI, a indiqué que « l’assainissement des finances publiques » sénégalaises devait continuer jusqu’à l’année prochaine pour impacter quatre niveaux. Il s’agit de la « mobilisation des recettes fiscales » pour répondre aux objectifs du gouvernement et puis de la rationalisation des exonérations qui « pèsent beaucoup sur le budget » annuel de plus de 7000 milliards de francs CFA, soit « un manque à gagner estimé entre 800 et 900 milliards de francs CFA ». Les deux autres leviers sur lesquels les nouveaux dirigeants doivent agir portent sur la réduction progressive des subventions à l’énergie « non ciblées et très coûteuses » et l’augmentation des dépenses sociales pour aider les ménages vulnérables.
« Nous n’en avons pas besoin »
Pour M. Gemayel, les subventions à l’énergie ont coûté en 2024 plus de 500 milliards de francs CFA au Trésor public contre 1800 milliards FCFA sur les trois dernières années. « Nous ne sommes pas contre les subventions, mais il faut qu’elles soient ciblées. Le FMI par exemple ne devrait pas bénéficier de ces subventions, de même que les ambassades et d’autres organisations internationales », a-t-il indiqué, insistant sur le fait que ces différents organismes n’ont « pas besoin » de cet argent.
En fin de mission à Dakar, l’équipe du FMI poursuivra « virtuellement les discussions » avec la partie sénégalaise en vue de finaliser « l’accord » au niveau du personnel, notamment en ce qui concerne les orientations budgétaires en 2025, l’utilisation de l’Eurobond et les réformes nécessaires dans le secteur de l’énergie. A l’issue de ces échanges, le conseil d’administration de l’institution financière, qui se réunira « vers la mi-juillet », décidera si « le Sénégal aura accès à peu près à 230 milliards de francs CFA » ou pas, a expliqué Edward Gemayel.
Au cours de la rencontre avec les journalistes, l’expert du FMI a souligné que « les tensions sociopolitiques en début d’année ainsi que les retards supplémentaires dans la production des hydrocarbures baissent les perspectives économiques à court terme ».
Après avoir vécu les soubresauts du changement de régime à la tête de l’Etat, à la suite de l’élection mouvementée fin mars du cinquième président Bassirou Diomaye Faye, le pays ouest-africain a extrait son premier baril de pétrole le 11 juin 2024, entrant dans le cercle fermé des pays producteurs de pétrole. Les attentes sont nombreuses pour la population dans cette nouvelle perspective pour le Sénégal, où les nouveaux dirigeants s’engagent à gérer dans la transparence les fonds publics et rationaliser les dépenses.
Croissance « considérable », inflation en baisse
Pour cette année, les prévisions du FMI pour la croissance économique sont maintenues à 7.1%, conformément aux estimations de la mission lors de sa dernière visite fin avril dans la capitale sénégalaise. « C’est assez considérable », a noté M. Gemayel. Il indique que l’inflation va continuer à baisser et arriver « en deçà des 4% » au moment où le nouveau gouvernement promet d’entériner cette semaine les nouvelles mesures pour la baisse du coût de la vie.
En revanche, les prévisions de croissance pour 2025 sont à 10.1% et l’inflation continuera à baisser à peu près à 2% dans ce pays. Ce sont des taux positifs en comparaison avec les autres pays de l’Afrique subsaharienne d’après l’expert du FMI. Il note que la moyenne de la croissance valse entre 3.8 et 4% dans la période 2024-2025 au niveau de cette zone là où l’inflation y avoisine les 10% au cours de la même séquence.
A l’inverse, le déficit budgétaire du Sénégal se situe autour de 4.6% en 2024 alors que l’objectif initial était de 3.9% du produit intérieur brut. Le chef de la mission du FMI note que cette situation est due à « trois facteurs » allant du paiement élevé des intérêts sur le service de la dette à l’accroissement des subventions énergétiques « en raison d’absence d’actions politiques », en passant par l’impact de la croissance qui a été « revue légèrement à la baisse ».
Le Sénégal a réalisé, il y a moins de deux semaines, sa septième émission d’Eurobond en mobilisant 750 millions de dollars sur le marché international de la dette. Cet emprunt obligataire, émis en deux tranches de 500 millions et 250 millions de dollars, est assorti d’un taux d’intérêt de 7,75% et d’une maturité de sept ans. Toutefois, Edward Gemayel recommande aux autorités sénégalaises d’utiliser le « surfinancement » de l’Eurobond « pour renforcer la soutenabilité de la dette » au cas où le pays « ferait face à d’autres crises ».
Le programme économique et financier est soutenu par trois facilités : le Mécanisme élargi de crédit (MEC), la Facilité élargie de crédit (FEC) et la Facilité de résilience et de durabilité (FRD).
ODL/te/APA