Le président sénégalais s’est rendu fin mai au Mali où il a tenté de défendre une Cédéao « très malmenée », prêchant le retour des pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) dans cet espace régional.
La page de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) semble définitivement tournée pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger. C’est la conviction d’Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères. Il a assuré, jeudi 27 juin à Bruxelles, en Belgique, que les trois pays, qui ont quitté avec fracas l’institution régionale pour fonder en septembre 2023 l’Alliance des Etats du Sahel (AES), étaient dans une logique de construire une intégration régionale qui offre plus de marges de manœuvre à leurs Etats et à leurs peuples respectifs.
« Aujourd’hui, nous sommes dans une dynamique de construction d’une intégration régionale, d’une autre approche à (la Cédéao), une intégration qui, de notre point de vue, doit être une véritable intégration des peuples et non une intégration d’Etats ou de chefs d’Etat », a indiqué le diplomate malien, prenant part à la 36ème édition du Forum de Crans Montana, qui se tient du 26 au 29 juin dans la capitale belge.
Face à plusieurs occidentaux, il a expliqué que cette dynamique est partagée aux niveaux sécuritaire et économique par les trois pays qui composent l’AES. Ils sont dirigés par des juntes militaires qui posent des actes controversés pour mettre fin aux violences des groupes terroristes et au sous-développement.
« Il y a des résultats probants sur le terrain. Le Mali, après dix ans de présence étrangère, a aujourd’hui le contrôle de l’ensemble de son territoire national. Et la reprise de Kidal (une ville du nord du pays), il y a quelques mois, est un exemple concret », a souligné M. Diop, promettant d’autres « Kidal qui vont se passer aussi sur le terrain » même si des attaques de groupes jihadistes continuent d’endeuiller les armées et les populations des pays de l’AES.
« Construire des Etats »
Si la communauté internationale et des organisations politiques locales estiment que les dirigeants militaires de ces Etats doivent organiser des élections et passer la main aux civils, Abdoulaye Diop rétorque qu’ils sont « en train de construire des Etats ». Cette « incompréhension » a conduit d’ailleurs à « un différend extrêmement profond » avec les autres pays de la Cédéao, menant à des sanctions imposées au Mali, au Burkina puis au Niger, suite aux changements anticonstitutionnels de leurs régimes entre août 2020 et juillet 2023.
C’est après la menace d’attaquer militairement les putschistes de Niamey que Bamako et Ouagadougou ont décidé de s’ériger en bouclier contre le projet de l’organisation communautaire ouest-africaine et ses partenaires occidentaux dont la France. Ils ont par la suite annoncé leur départ de l’organisation régionale qu’ils voyaient comme une menace à la sécurité de leurs Etats et de leurs populations, renforçant leur alliance avec des pays qui contestent l’hégémonie occidentale tels que la Russie et la Chine.
« Comprenez qu’avec l’AES, il y a une nouvelle donne géopolitique qui est là. Que vous l’aimez ou pas, peu importe ! Pour nous, le sort de nos pays ne va pas se décider à Bruxelles, à Paris, à Washington ou à Londres. Ça se décidera à Bamako, à Ouagadougou, à Niamey », a précisé le ministre malien, rappelant la nécessité de garder le fil du dialogue avec les pays de la Cédéao pour déterminer les « modalités de vivre en commun ». Ces derniers restent, malgré tout, des « pays et peuples frères », a-t-il noté.
Après son élection comme cinquième président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye s’est rendu le 30 mai dernier à Bamako où il a tenté de défendre une Cédéao « très malmenée » et prêché le retour des pays de l’AES dans cet espace régional et politique.
« Nous ne devons pas nous résigner et dire qu’on ne peut plus rien faire. Il y a des difficultés, il faut parler aux uns et aux autres et les comprendre et, à partir du niveau de compréhension et des écarts de position, voir ce qu’il est possible de bâtir sur socle qui est existant », avait-il déclaré. Bien qu’il n’était pas venu en tant que « médiateur » au Mali, le dirigeant « panafricaniste » de 44 ans estimait qu’il ne désespérait « pas de voir la Cédéao repartir sur des bases nouvelles ».
ODL/ac/Sf/APA