Dix jours après le vote, les nerfs sont à vif en Guinée où l’opposant Cellou Dalein Diallo conteste avec véhémence la victoire dès le premier tour du président sortant Alpha Condé.
A Conakry, l’accalmie cache un vent de révolte contre le pouvoir. Aussitôt après la publication des résultats provisoires par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), les militants de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) sont sortis dans la rue pour dénoncer « un hold-up électoral ». Les oppositions entre forces de l’ordre et manifestants ont causé 21 morts selon le gouvernement, mais le camp de Cellou Dalein Diallo en décompte 27.
Le principal adversaire d’Alpha Condé, lors de la présidentielle du 18 octobre, a perdu la liberté de se mouvoir deux jours plus tard. En effet, le domicile de l’ancien Premier ministre « est encerclé par la Police et la Gendarmerie qui interdisent toute entrée et toute sortie », peut-on lire sur le compte Twitter de Cellou Dalein Diallo. Ce dernier s’était autoproclamé vainqueur du scrutin. Persuadé d’avoir gagné « haut les mains », le chef de file de l’UFDG a invité ses partisans à ne rien lâcher car « il n’y a pas d’alternative à la poursuite du combat ».
Afin d’éviter que le pays ne s’embrase, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), l’Union Africaine (UA) et l’Organisation des Nations Unies (Onu) ont dépêché une mission de diplomatie préventive. Celle-ci a séjourné, du 25 au 27 octobre, dans la capitale guinéenne. Les émissaires ont notamment rendu visite à Cellou Dalein Diallo qui n’attend pas « grand-chose » d’eux parce que, dit-il, ils « se sont toujours rangés du côté d’Alpha Condé ».
Dans un communiqué conjoint daté du 27 octobre, les trois organisations ont « regretté les violences qui ont occasionné des pertes en vies humaines et des destructions de biens publics et privés ». Pour que pareille situation ne se reproduise, la délégation a demandé à l’Etat de veiller à ce que « les forces de défense et de sécurité agissent avec retenue et professionnalisme ».
Jean-Claude Kassi Brou, président de la Commission de la Cedeao, Minata Samate Cessouma, Commissaire aux Affaires politiques de l’Union Africaine, Mohamed Ibn Chambas, Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Afrique de l’ouest et le Sahel et le Général Francis Behanzin, Commissaire aux Affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la Cedeao ont également plaidé pour l’ouverture diligente « (d’)enquêtes pour faire la lumière sur les violences (et) traduire les auteurs en justice ».
Signe d’un climat tendu, Cellou Dalein Diallo a accusé le régime en place d’avoir kidnappé Kalémodou Yansané et Fodé Oussou Fofana au sortir de la réunion avec la mission tripartite. Les deux vice-présidents de l’UFDG sont maintenant libérés d’après la presse locale.
Les chiffres rendus publics par la Ceni créditent Alpha Condé de 59,5% des suffrages valablement exprimés contre 33,5% pour Cellou Dalein Diallo. A son tour, l’Union Européenne (UE) « prend note » de l’annonce des résultats provisoires, non sans émettre des réserves.
« Bien que le scrutin se soit déroulé dans le calme, des interrogations demeurent quant à la crédibilité du résultat, notamment en ce qui concerne la remontée des procès-verbaux et le décompte final des votes », a affirmé Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’UE.
Une déclaration forte sur laquelle le candidat de l’UFDG s’est appuyé pour tacler la Cedeao et l’UA. Pour Cellou, ces deux institutions doivent « méditer » l’exemple de l’UE qui « défend la démocratie et les droits humains ».
Tout comme le Front National de Défense de la Constitution (FNDC) qui s’était érigé en bouclier contre un troisième mandat de Condé, l’Union des Forces Démocratiques de Guinée compte mobiliser, dans les rues et sur les places publiques, ses soutiens pour exiger le respect de la vérité des urnes.
A ce jour, aucune manifestation d’envergure n’a eu lieu du fait de la crainte d’une répression sanglante de l’armée réquisitionnée pour le maintien de l’ordre. A Conakry, les militaires sont déployés dans les quartiers favorables à l’opposition.
Et pendant plusieurs jours, la Guinée s’est coupée du monde extérieur. Un dysfonctionnement d’Internet a rendu quasiment impossibles les communications à l’international. Mais ce black-out est interprété par certains internautes comme « une limitation de la liberté d’expression et du droit à l’information des citoyens » à l’ère de la toute-puissance des réseaux sociaux.
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