L’icône de la chanson populaire marocaine, Hajja Hamdaoui a décidé de mettre fin artistique à l’âge de 94 après une carrière qui a duré plus d’un demi-siècle, laissant derrière elle un riche répertoire qui a marqué plusieurs générations.
Emue aux larmes, l’artiste a annoncé sa décision lors d’une conférence de presse tenue vendredi soir. « C’est bon, j’arrête, je suis fatiguée et j’en ai assez fait », a-t-elle déclaré.
Véritable monument de la chanson marocaine, Hajja Hamdaouia a connu la colonisation et l’indépendance. Résistante, elle se donne à la musique et au théâtre presque par hasard. «Je ne savais pas vraiment où j’allais, on m’a proposé de jouer et de chanter, j’y suis allée les yeux fermés», avait avoué la diva qui a été bercé par un père mélomane toute sa vie. « C’est mon père qui m’a donné le virus de la musique et de la danse, il me demandait de faire des numéros de chant et de danse tout le temps ».
Native de Derb Sultan à Casablanca, cette artiste authentique est remarquée très jeune et se voit proposer un rôle par une troupe arabe. Elle sera l’une des premières femmes au théâtre au Maroc puisqu’à l’époque même les rôles de femmes étaient joués par des hommes.
À la même époque, elle se souvient avoir traversé les villes en voiture, armes cachées sous ses caftans pour défendre le pays. «Je ne savais pas ce que je faisais mais cela semblait nécessaire. Avec du recul, je sais que je risquais ma vie mais je ne me suis jamais posée la question, je fonçais !». C’est dans une chanson politique où elle dénonce le colonisateur français qu’elle se retrouve en prison pour quelques jours avant d’être libérée. Elle connaîtra l’exil avant de faire son grand retour au Maroc afin de marquer la chanson marocaine à jamais.
Hajja Hamdaouia a donné à l’art de l’aïta une nouvelle couleur. Elle est la première à la mélanger au châabi (art populaire) et à y incorporer des instruments modernes tels que le clavier, la basse, la guitare. Elle en fait une sorte de pop marocaine accessible à tous.
L’Aita est un appel de ralliement, qu’elle est en rapport avec les pleurs et les joies et reflète une poésie digne de ce nom, un écho des joies et soucis du quotidien et du mektoub (destin) des êtres humains et de la mémoire collective du peuple. Les origines de cette musique de la plaine se situe au confins des fêtes familiales et des traditions tribales.
En 1959, la star de la chanson populaire marocaine avait créé son orchestre et gagnera le cœur du public maghrébin dans les années 60-70 avec des chansons comme «Daba Yji», «Jiti majiti», «Dada ou hiyani», «Mal hbibi’liya» ou encore «Hna mada bina».
Les années 80-90 sont difficiles, le diva semble tomber dans un anonymat dont elle a du mal à sortir. Elle se retrouve dans une chambre de bonne à Paris et les dates se font rares. C’est une maladie qui allait lui coûter la vie qui la sauvera.
Durant les années 2000, Hajja Hamdaouia renaît de ses cendres et chante non stop. Elle se produit à l’Olympia, Bercy, au Zénith et à l’Institut du Monde Arabe et dans les différentes manifestations nationales. Ses sujets de prédilection sont l’amour, les violences conjugales, le pays, la résistance… Bref elle chante sa vie !.
Hajja Hamdaouia a à son actif une centaine de titres. Elle demeure la chanteuse de « marsaoui » la plus prolifique et la plus adulée et sans aucun doute la plus célèbre ambassadrice de ce genre musical populaire. Aujourd’hui elle se repose et passe son bendir (instrument à percussion) à gauche.
HA/APA