Suite à la mort lundi 23 décembre à Alger du patron de l’armée, le Général Ahmed Gaïd Salah, la place centrale qu’occupe l’institution militaire dans le système politique algérien ne peut pas changer, estime le journaliste et analyste algérien Adlène Meddi.
APA : Le Général Ahmed Gaïd Salah est mort quelques jours après l’élection à la présidence de la république de son candidat favori. Peut-on dire qu’il part avec le sentiment de « la mission accomplie » ?
Adlène Meddi : Objectivement, il avait tracé un plan depuis la chute de Bouteflika, qui est le retour à l’ordre institutionnel entre guillemets. Sur ce plan-là, il a réussi. Le deuxième défi qu’il avait c’était de maintenir une sécurité dans le pays qui connait des manifestations massives. Pendant des mois, malgré quelques incidents, il n’y a pas eu de gros dérapages comme on a pu voir en Irak récemment où l’armée a tiré sur les manifestants. De ce point de vue, on peut dire qu’il a mené sa mission.
APA : Comment peut-on envisager l’après-Gaïd Salah ?
Adlène Meddi : Gaïd Salah a été le chef d’une armée. Dans l’armée la première consigne c’est la discipline et le respect de la hiérarchie qui est très forte en Algérie. Je pense que l’Etat-major ne va pas beaucoup dévier de la ligne de Gaïd Salah qui est celle de soutenir le (nouveau) président élu Abdelmadjid Tebboune et de maintenir ce retour d’une normalité institutionnelle. Je pense que cela ne va pas beaucoup bouger d’autant que que l’actuel remplaçant de Gaid Salah est le Général-Major Saïd Chengriha. C’est un peu l’école de de Gaid Salah ils se connaissent depuis très longtemps. Chengriha est le chef des forces terrestres donc un corps très sensible en Algérie. Alors, je pense qu’il y’aura une certaine continuité que ça soit en politique ou stratégique.
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APA : Peut-on s’attendre du successeur de Gaïd Salah la même influence sur le système politique algérien ?
Adlène Meddi : C’est très compliqué de parler du rôle de l’armée dans la vie politique. L’armée est intervenue en 92 et 99, et récemment pour de bonnes causes parce qu’en face d’elle, il y a eu un effondrement du système institutionnel civil qui n’est pas assez mûr par manque de démocratie, de transparence et de respect de l’institution. Donc l’armée colmate des brèches, mais son rôle est d’agir dans l’urgence. Et son urgence à elle, c’est de retourner à la caserne parce que c’est très dérangeant et très perturbant pour elle de faire de la politique alors que les défis sécuritaires, militaires et terroristes sont immenses.
Je pense que les militaires eux-mêmes le perçoivent comme ça. Nous sommes cependant dans une situation encore délicate, on a des citoyens qui manifestent toujours à Alger et on a une opposition qui n’arrive pas à formuler clairement sa conception du futur du pays. On a aussi des tentatives de déstabilisation qui ne sont pas de la paranoïa. Donc tant que ces défis-là sont présents, l’armée sera toujours déployée politiquement entre guillemets.
La place centrale qu’occupe l’armée dans le système politique algérien ne peut pas changer. En Algérie, nous avons créé notre armée et nos services secrets avant de créer notre propre Etat. On a eu l’armée avant d’avoir des institutions, donc c’est un peu l’ADN même du système algérien.
Cela constitue un problème parce que les institutions civiles n’arrivent pas à murir pour devenir de vraies institutions démocratiques et représentatives. Et ça, c’est un grand problème. Tant qu’on n’arrive pas à asseoir une vraie démocratie, on laissera la porte ouverte aux militaires.
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Dng/cat/APA