La parité de l’ECO, la future monnaie de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), regroupant 15 pays, et la compétitivité des économies de l’organisation régionale, s’affichent comme un gage de réussite de ce moyen de change.
Dans une interview à Radio France internationale (RFI), le président ivoirien Alassane Ouattara, a soutenu l’idée de la parité fixe. Le franc CFA bénéficie d’une parité fixe (conversion de devises) avec l’Euro grâce à un mécanisme soutenu par le trésor Français.
« Le fait que nous (Uemoa, Union économique et monétaire ouest-africaine) sommes arrimés à l’Euro, si nous empruntons des Euros, les moments de les rembourser dans cinq ou dix ans, le taux est fixe, c’est au même taux qu’on rembourse », a-t-il déclaré.
Toutefois, « si nous avons une monnaie flexible, c’est très bien, mais l’Uemoa bénéficie d’une parité fixe. Si les pays membres de l’Uemoa n’ont pas tellement de problème de dette, c’est grâce à cette parité fixe », a-t-il renchéri.
L’Uemoa, dira-t-il, a de ce fait, un taux de croissance les plus élevés avec 6,6% (période 2012-2018), ainsi qu’un taux d’inflation plus bas, une dette publique la plus basse avec un taux de 50% de dette pour l’ensemble de l’Uemoa. En outre, l’espace respecte tous les critères de convergence.
Interrogé par APA, Ange Ponou, économiste à Sika finance, une structure d’information financière spécialisée dans la thématique bourse-finance, note que la première force de l’ECO, est qu’elle a été décidée par les chefs d’Etat de la CEDEAO et sera partagée par 15 pays réunis au sein de l’Union.
Compte tenu des intérêts géopolitiques, les chefs d’Etat devront décider si l’arrimage de l’ECO reposera ou pas sur l’Euro qui était arrimée au franc CFA. Cependant, que ce taux de change soit fixe ou flottant, les pays de la CEDEAO devront contenir les flux par la compétitivité de leurs économies.
Les pourfendeurs du franc CFA estiment que l’arrimage était décidé par la France, et de ce fait, les pays avaient obligation de laisser une importante quantité de leur réserve au Trésor public français. Pour eux, les pays membres de l’ECO devraient désormais assurer leurs réserves.
Le Ghana et le Nigeria, deux pays anciennes colonies anglaises, ne comptent pas céder sur la question de l’indépendance monétaire face à une puissance occidentale, fait observer M. Ponou, pour qui l’ECO est un élément catalyseur pour booster le commerce inter-régional, jugé faible.
Avant d’aller à la mise en place de l’ECO, Justin Koné Katinan, économiste ivoirien, proche de l’ancien président Laurent Gbagbo, estime qu’il faut préparer l’écosystème afin que cette monnaie favorise l’accélération de l’intégration économique, dans une récente analyse sur sa page Facebook.
« La structure encore coloniale de l’économie des pays de la CEDEAO pose à l’ECO des problèmes majeurs », à savoir les faibles échanges commerciaux intracommunautaires et la forte demande des pays en devises étrangères, mentionne l’économiste ivoirien.
Pour lui, la faiblesse du commerce intracommunautaire rame contre l’ECO.
« La monnaie est un bien vide que la production remplit », cite-t-il l’économiste Camerounais, le professeur Joseph Tchundjang Pouemi.
M. Katinan soutient que la dette nigériane a une particularité qui la distingue de celle des pays de l’Uemoa. En plus d’être relativement faible, elle est majoritairement libellée en monnaie locale (70%) et non en devises comme la dette des pays de l’Uemoa. Une situation qui procure des avantages au Nigéria.
D’une part, sa dette échappe aux éventuelles fluctuations des termes de change, et d’autre part, le remboursement de celle-ci se fait en monnaie locale (Naira). Le pays préserve le stock de ses réserves de change qui s’élèvent à environ 13 mois d’importations. Et il est très peu probable que le Nigéria accepte de partager cette réserve avec une puissance étrangère au nom d’une quelconque stabilité monétaire.
Selon M. Katinan, « casser le lien exclusif de parité du FCFA avec l’Euro, c’est la condition première qui s’impose aux pays de l’Uemoa pour gagner la confiance des autres membres » de la Cedeao, notamment le Ghana et le Nigeria. Pour le président béninois, Patrice Talon, la monnaie a une dimension psychologique qui la rattache à la souveraineté.
L’économiste Koné Katinan estime qu’il « urge de fixer un plan commun d’industrialisation de l’espace Cedeao, indispensable pour diminuer la dépendance de la zone vis-à-vis de l’extérieur pour ses besoins en produits manufacturés ».
« Le succès de l’ECO dépendra de la capacité de la Cedeao à assurer en interne l’essentiel de ses besoins vitaux. Moins les Etats auront besoin de devises pour acheter les produits de première nécessité, plus l’ECO se renforcera », insiste-t-il.
L’aspect sécuritaire ne devrait pas être négligé afin de ne pas annihiler tous les efforts vu la recrudescence du terrorisme dans la région, relève M. Ange Ponou. Ce qui devrait amener la Cedeao à penser un plan sécuritaire d’ensemble qui préserve les économies des Etats membres.
AP/ls/APA