La veillée d’armes pour les élections des députés et des conseillers municipaux du 9 février prochain revient en force dans les journaux camerounais parus lundi, avec une grosse interrogation sur la tenue effective de ce double scrutin dans les régions sous conflit sécessionniste.
«Législatives et municipales 2020 : la chasse aux candidatures est ouverte », annonce Le Jour pour décrire comment les différentes formations politiques s’organisent pour aller à la conquête des suffrages. La machine électorale est lancée, confirme le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune à la faveur de la réunion, vendredi dernier, du conseil électoral d’Elections Cameroon (Elecam), l’organe en charge des scrutins et opérations référendaires qui se mobilise pour la cause.
En décembre 2019, comme prévu, l’impression des documents électoraux devrait être achevée et, en janvier, la totalité du matériel sera réceptionnée dans les différentes circonscriptions accompagnée de l’installation, la formation et le déploiement des membres des commissions mixtes électorales sur le territoire national, acquiesce InfoMatin.
Cette sérénité affichée est pourtant loin d’habiter les rangs du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) où Émergence évoque un climat d’«ébullition» du fait du système de cooptation adopté pour le choix des candidats, et qui déjà donne lieu à des batailles épiques.
«Danger !» alerte Pile ou Face : «Contre la discipline du parti qu’ils brandissent, le choix des candidats par les patrons politiques au détriment de la volonté des populations, est une épine sous le pied du parti au pouvoir dont le flambeau est de moins en moins ardent. Où sont donc passés les primaires ?»
«On prend les mêmes et on recommence», soupire Mutations : outre le fait qu’elle apparaît comme une prime à l’indiscipline, la reconduction déjà annoncée des caciques ayant orchestré le désordre en 2013, pour le choix des candidats du parti, risque de tourner à l’avantage de l’opposition. «Si certains militants expriment leur satisfaction et rassurent quant à la transparence des présélections, d’autres s’opposent aux candidats annoncés par le comité central du parti au pouvoir et menacent de quitter le navire», témoigne Défis Actuels.
L’Indépendant ne voit pas les choses sous le même angle, pour qui les balises instituées par la hiérarchie de la formation visent à mettre hors-jeu les fossoyeurs du parti et autres élus en délicatesse avec la justice du fait de crimes économiques. Ce sont encore les barons qui se chargent de choisir les candidats à la base, s’exclame également Essignan. C’est la haute saison, confirme perfidement Le Zénith, voyant déjà s’ouvrir le «comptoir» pour le parachutage des prétendants à un poste électif, sur fond de clientélisme et de marchandages, «au grand dam des militants de la base».
Un extrait de la circulaire du président national du Rdpc, Paul Biya, relative aux opérations d’investiture des candidats du son parti à l’élection des députés à l’Assemblée, devrait faire perdre le sommeil à ceux que la publication qualifie de «fossiles» : «Afin d’arrimer le parti aux évolutions démographiques et sociologiques de notre pays, il est vivement recommandé d’encourager l’émergence de nouvelles figures, notamment dans le cas des candidats bénéficiant de la retraite parlementaire.» Une mesure qui, convient l’Œil du Sahel, vise manifestement le président de la Chambre basse, Cavaye Yeguie Djibril mais également plupart des membres des commissions de l’Assemblée nationale.
Le bihebdomadaire Repères évoque «un pistolet à double gâchette» avec une investiture impulsée par deux commissions : l’une de présélection et d’investiture, et l’autre de contrôle et de supervision. Autrement dit, que la hiérarchie du RDPC aborde ces élections n’a pas réussi à trancher le débat entre ceux qui souhaitaient que l’on procède aux primaires et d’autres, qui penchaient pour des investitures comme il est de coutume depuis 2007.
Pour le secrétaire général du parti aux affaires, Jean Nkueté, cité par L’Essentiel, les opérations d’investiture se dérouleront dans la transparence, la rigueur, l’objectivité, le respect des considérations liées à la sauvegarde du vivre ensemble, notamment la recherche du consensus, l’équité, le partage, l’ouverture, le respect de la diversité, la promotion de nouvelles figures, le genre, les minorités.
Défis Actuels et La Voix du Centre en profitent pour attirer l’attention quant au jeu trouble des agents de l’administration publique, qui roulent ouvertement pour le pouvoir en refusant, à travers moult tracasseries, de délivrer les pièces légales requises pour les dossiers de candidature aux représentants de l’opposition. D’où viendra donc la lumière dans ce que certains observateurs entrevoient déjà comme une nuit noire électorale ? s’interroge Mutations, invitant les partis politiques de l’opposition à avoir, une fois les dossiers de leurs représentants validés, des représentants dans tous les bureaux de vote le moment venu.
Chez The Star, c’est la sécurité qui préoccupe dans les régions anglophones, se demandant comment la campagne électorale, mais aussi le double scrutin lui-même, vont pouvoir se tenir dans un climat de violence armée. D’où, selon l’hebdomadaire, l’appel de l’opposition au gouvernement afin que le gouvernement engage véritablement des actions en vue d’un retour à la paix durable.
C’est en train d’être fait, semble répondre en écho The Guardian Post à travers la tournée, annoncée du Premier ministre Joseph Dion Ngute dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest au lendemain du Grand dialogue national, tenu voici six semaines sur le sujet. Après avoir constaté la futilité de l’option militaire, le président Paul Biya envoie des délégations dans les zones en crise en vue de répandre l’apaisement, notent The Horizon et The Median, se demandant néanmoins quel message les envoyés spéciaux d’un régime honni vont pouvoir tenir pour amener les séparatistes à déposer les armes.
Dans cette «caravane pour la paix», précisent Municipal Updates et The Sun, le gouvernement a fait appel à des prélats pour débloquer une impasse. Et parmi les princes de l’Église catholique qui seront de la partie, The Post dresse le portrait de l’évêque atypique de Mamfe (Sud-Ouest), Andrew Fuanya, qui demande d’avance la démission de tous les élus des régions anglophones, accusés d’avoir depuis trois années fui les localités en crise pour se réfugier dans les grandes agglomérations, abandonnant ceux à qui ils comptent de nouveau solliciter les suffrages à leur triste sort.
FCEB/cat/APA