Les journaux camerounais parus mardi se penchent sur l’éviction du groupe Bolloré de la gestion du terminal à conteneurs du port de la métropole économique, Douala, mais également sur la grève des avocats débutée la veille et les tractations en vue de la tenue du Grand dialogue national, censé ramener la paix dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
C’est un véritable coup de tonnerre, qui s’affiche en couverture de Cameroon Tribune, Expression Économique, InfoMatin, Mutations, Le Messager, Le Quotidien de l’Économie et Le Point Hebdo : la désignation groupe italo-suisse Terminal Investment Limited (TIL) comme adjudicataire provisoire de la concession du terminal à conteneurs du Port autonome de Douala.
Cette désignation vient ainsi, rappellent Expression Économique et Le Quotidien de l’Économie, mettre fin à la concession attribuée en 2005 au consortium franco-danois Bolloré-APM Terminals, et dont le contrat a récemment été prorogé jusqu’en 2023.
Il s’agit d’un feuilleton plein de rebondissements, renchérit InfoMatin, la partie camerounaise s’étant engagée, dans cette prorogation, à permettre au concessionnaire d’amortir ses investissements constitués d’une « contribution exceptionnelle » de 24 milliards FCfa, de l’augmentation des actifs des nationaux dans le capital, le doublement de la redevance à verser au pays ainsi que la réalisation d’investissements supplémentaires à hauteur de 20 milliards FCfa.
Cette fin de contrat annoncée, précise Mutations, s’est déjà transportée à la fois au tribunal administratif de Douala et dans une procédure d’arbitrage à Paris, où le groupe Bolloré se plaint d’avoir été «injustement» mis à l’écart.
En attendant l’épilogue, forcément palpitant, de ce roman le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune, qui au passage n’évoque pas un seul instant le nom de Bolloré-APM Terminals, s’intéresse au sort des employés de l’opérateur partant, dans le cadre d’un changement de concessionnaire, avec un processus prévoyant «un transfert des actifs, du personnel, etc.».
Mais si cette publication s’avère pudique, sur cette question qui fâche, elle est par contre prolixe sur le Grand dialogue national pour la sortie de la crise sécessionniste anglophone : elle lui consacre, en dehors de sa grande manchette, pas moins de 8 pages intérieures pour rendre compte des consultations engagées à ce sujet par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, ainsi que l’adhésion massive des forces vives à cette initiative du président Paul Biya.
Son confrère Mutations s’adonne au même exercice, avec quelques variantes allant dans le sens d’un certain pessimisme, de la part de la classe politique et de la société civile. Quant à Le Jour, il fait le choix de l’évocation de la rencontre Tripartite de fin 1991 lorsque le régime, pris à la gorge par l’opposition et la rue, engagea une grande palabre pour sortir des «années de braise» d’où sortit, selon les termes du philosophe Sindjoun Pokam, «un compromis boiteux».
Le pouvoir joue à pile ou face, prolonge l’hebdomadaire Diapason, lui qui a plus que jamais les clés de la paix et de la cohésion nationale. Il est maintenant clair que Paul Biya a tendu un gros piège à son Premier ministre, constate The Guardian Post pour qui Joseph Dion Ngute, en poste depuis le début de l’année, ne devra son maintien à la tête du gouvernement que par son habileté à manœuvrer pour tirer son patron de la mauvaise passe.
Pendant ce temps, notent Mutations et Expression Économique, à propos de la grève des avocats, les prétoires sont restés sans robe noire lundi, premier jour du mouvement d’humeur des auxiliaires de justice. «Prétoires morts au Cameroun», titre Le Messager, au moment où Le Jour indique que toutes les audiences prévues ont été renvoyées, les prévenus en payant pour leur part le prix.
Jusqu’ici, analyse «l’hebdomadaire du monde juridico-judiciaire» Kalara, l’équipe dirigeant du barreau n’a pas encore dévoilé les faits précis à l’origine de la résolution appelant au boycott des palais de justice, le Conseil de l’Ordre des avocats s’étant contenté d’invoquer des questions relatives à l’entrave à l’exercice professionnel et aux atteintes physiques contre les avocats.
Pour L’Épervier, tout ceci relève d’un chantage au gouvernement avec des initiateurs qui, tapis dans l’ombre, sont des soutiens avérés du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC, opposition), un parti qui a entrepris de dénoncer le «hold-up électoral» de la présidentielle du 7 octobre 2018 et dont les dirigeants sont derrière les barreaux pour, entre autres, des faits de rébellion.
FCEB/cat/APA