En dehors de sa nature particulière qui lui attire nombre de touristes, la cité lacustre de Ganvié, située à 18 kilomètres au Nord de Cotonou, la capitale économique du Bénin, a un autre attrait : son florissant marché au poisson.
A l’embarcadère, d’où l’on prend la pirogue pour visiter la localité bâtie sur l’eau, plusieurs espèces de poissons sont en vente : tilapia, mulet, carange, etc. La richesse de ces produits halieutiques n’a d’égale que le service express que proposent sur place les écailleuses de poissons.
La satisfaction est garantie si vous avez la bonne inspiration, une fois acheté votre poisson, de solliciter leurs services. En un tour de main, elles vous écaillent le poisson, lui coupent les nageoires et l’évident de ses viscères. Tarifées, ces prestations font gagner beaucoup de temps à plusieurs maîtresses de maison qui, dés qu’elles rentrent, préparent aussitôt le repas familial.
Une des doyennes des écailleuses du marché au poisson de l’embarcadère de Ganvié, Maman Caro y exerce depuis une dizaine d’années. Diplômée de la faculté de droit de l’université d’Abomey-Calvi, elle a cherché en vain du travail, puis de guerre lasse, s’est résolue à accompagner au marché sa maman, écailleuse de poissons.
Après avoir aidé, un temps, sa mère, Caro a pris elle-même le couteau et la brosse métallique, l’attirail des écailleuses, pour mettre de côté ses rêves de bureaucrate et se lancer dans le métier qu’elle venait de découvrir.
Comme Caro, nombre de femmes venues des localités de Ganvié, Sotchanwé et Sô-Ava sont en service dans le plus grand et le plus ancien marché au poisson d’Abomey-Calavi, la commune dont dépend la cité lacustre de Ganvié.
A en croire Maman Caro, le tarif, pour écailler un tas de poissons acheté à 2000 FCFA, est de « 250 ou 300 FCFA». Généralement, la recette journalière est de 1500 FCFA, mais, souligne Caro, « lorsque le marché coule bien, et qu’il y a beaucoup de clients, il nous arrive de faire une recette de 5000 FCFA».
Cet argent est durement gagné, selon beaucoup d’écailleuses. A l’instar de Maman Caro, elles qualifient d’harassante leur activité, sans oublier les accidents de travail nés de coupures des doigts provoquées par les couteaux et les arêtes de poisson.
Les clients et clientes, eux, disent en avoir pour leur argent. Trouvé un après-midi de samedi au marché, Armand D. raconte qu’en tant que habitué des lieux, il vient lui-même pour se payer quelques condiments et du poisson qu’il confie ensuite aux bons soins des écailleuses.
«Pour soulager ma femme, lorsque j’achète le poisson, j’évite de l’amener directement à la maison. Je passe toujours chez les écailleuses qui enlève les écailles qui sont parfois dures et qui coupent également les nageoires. Ainsi, c’est plus facile pour ma femme de faire la cuisine », explique-t-il, l’œil rivé sur les gestes énergiques de son écailleuse du jour.
N’ayant peut-être pas un mari aussi attentionné, Alidou Mama, s’en remet aux écailleuses, à chaque fois qu’elle achète du poisson. Dans un petit sourire, elle avoue : « Je ne peux pas le faire (écailler un poisson) à la maison. Je n’ai pas appris à le faire et ce n’est pas ma spécialité. Et puis, j’ai peur que les écailles me blessent».
Cuisinier de profession, Irénée Adjan, ne cache pas son admiration pour ces écailleuses. « On gagne beaucoup en temps avec ces dames qui font un travail extraordinaire », dit-il, soulignant que son détour chez les écailleuses lui permet d’aller vite dans la confection de ses plats.
Au grand plaisir de ses clients, convaincus de n’avoir pas à patienter pour passer à table.
UB/cat/APA