Malgré sa brillante participation à la Coupe d’Afrique des Nations 2019 en Egypte où il est arrivé en finale pour la deuxième fois de son histoire, le Sénégal, première nation africaine dans le classement Fifa, souffre paradoxalement de la modestie de ses enceintes sportives. Des stades dignes de ce nom, le pays en dispose peu et, s’ils existent, ils baignent dans un environnement totalement étranger au ballon rond.
Durant les préparatifs de la dernière Tabaski, le stade Demba Diop de Dakar (environ 15.000 places) avait l’allure d’un foirail avec des centaines de moutons parqués devant ce mythique temple sportif, construite en 1963. Fermé depuis les incidents meurtriers du 15 juillet 2017, ce stade accueillait l’essentiel des matchs des équipes de clubs du pays, à l’exception de ceux de l’équipe nationale A.
Celle-ci reçoit systématiquement ses adversaires quelques kilomètres plus loin, au stade Léopold Sédar Senghor. Avec ses 60.000 places, il répond un peu plus aux normes internationales bien qu’il ne soit pas totalement moderne car datant de 1985.
Le parking du stade est occupé par des mécaniciens, des laveurs de voitures, des gargotiers, des transporteurs de bus, des motocyclistes et autres moniteurs d’auto-école.
A l’instar de beaucoup d’observateurs, le directeur des Infrastructures au ministère des Sports, Cheikh Tidiane Sarr, reconnaît que LSS accuse « un coup de vieillesse ».
La tutelle avait décidé de le réhabiliter juste après la fin de la réfection du stade Lat-Dior de Thiès. Mais rien jusqu’à présent.
« C’est un travail qui devait démarrer depuis quelques mois. (Mais) il y a des procédures de passation de marché qui sont en train d’être finalisées au niveau de la Chine » qui doit assurer les travaux, explique M. Sarr.
Notant que « le dossier est beaucoup avancé », il laisse croire que la réhabilitation va démarrer « d’ici quelques mois peut-être ». Même s’il n’est pas sûr que les poulains d’Aliou Cissé pourront y jouer en novembre prochain dans le cadre des éliminatoires de la Can 2021.
Faute de mieux, les Lions locaux y ont reçu et battu 3-0 le Libéria dans le cadre du premier tour des préliminaires du Championnat d’Afrique des nations (Chan). Pour le second tour, ils affronteront la Guinée.
Selon la presse locale, les autorités avaient retenu en amont le stade Lat-Dior pour cette rencontre internationale, mais son homologation lui a été retirée entretemps.
Situé à 70 km de Dakar, le stade Lat-Dior a été réceptionné cette année et la Confédération africaine de football (Caf) l’avait homologué, histoire de permettre aux Lions d’y recevoir Madagascar, en mars dernier, dans le cadre de la dernière journée des éliminatoires de la dernière Can.
Peu après, cette homologation a été remise en cause, au grand dam de Génération Foot, championne du Sénégal en titre, qui tient à y recevoir ses matchs de Ligue africaine des champions, allant même jusqu’à menacer de « déclare(r) forfait » si on le lui refuse.
« Nous ne voulons pas jouer au stade Léopold Sédar Senghor. On ne peut pas remplir les 60.000 places. Le Stade de Thiès a une capacité de 8.000 places. Notre entraîneur, Djiby Fall, est de Thiès. On pourra avoir 4.000 ou 5.000 spectateurs. Ce sont des férus du football », a laissé entendre le président Mady Touré, dont le club est basé à Déni Biram Ndao, à la sortie de Dakar et non loin de la région de Thiès.
Dans tous les cas, informe le directeur des Infrastructures, une mission de la Caf était au Sénégal au milieu de la semaine dernière pour inspecter le stade Lat-Dior. Une telle démarche s’empresse-t-il d’ajouter, n’enlève en rien aux prérogatives de la fédération sénégalaise de football qui choisit en dernier ressort le lieu des matchs.
Si dans un temps récent le Sénégal a été obligé de délocaliser ses matchs internationaux en Guinée et au Maroc après la suspension du stade LSS, Cheikh Tidiane Sarr soutient qu’il n’y a pas de quoi s’émouvoir devant la modestie de ses infrastructures sportives. « On ne se glorifie pas. Mais je pense que les infrastructures sportives dont dispose le Sénégal, ce n’est pas évident qu’on puisse retrouver cela dans la sous-région », a-t-il indiqué, ne voyant pas de contradiction dans le fait que le public se montre exigeant envers son équipe nationale tout en sachant qu’elle ne peut évoluer à domicile dans des stades dignes de son « rang ».
Pour sa part, le président Macky Sall avait annoncé, en août 2018, la construction d’un stade olympique de 50.000 places. Sa réception est prévue en 2020, mais les travaux n’ont pas encore démarré. Dans tous les cas, ce stade doit faire partie des infrastructures devant abriter les Jeux Olympiques de la jeunesse qu’organise le Sénégal en 2022.
Lors de la cérémonie des Caf Awards tenue le 8 janvier dernier à Dakar, Ahmad Ahmad, le président de l’instance faîtière du foot africain avait loué les efforts du président Sall pour doter son pays d’infrastructures sportives. « Le Sénégal bouge sur le côté des infrastructures », avait-il déclaré.
La politique infrastructurelle du Sénégal se base sur « trois points » : la construction, la réhabilitation et la mise aux normes d’infrastructures. Ainsi le 20e du classement mondial de la Fifa a « besoin, pour vraiment se positionner au niveau continental et même mondial, de construire des infrastructures de qualité », estime M. Sarr, non sans saluer « l’effort » de l’Etat dans l’implantation d’infrastructures, « à l’instar des stades régionaux » pour la plupart réfectionnés grâce à un programme avec la Chine.
Parmi ceux-ci, il y a le stade Aline Sitoë Diatta de Ziguinchor (sud). Avec sa capacité d’environ 10.000 places, il fut le deuxième stade après LSS à accueillir les matchs de la Can de 1992, remportée par la Côte d’Ivoire.
Mais aujourd’hui, son gazon synthétique n’est plus en mesure d’accueillir une rencontre de l’équipe nationale sénior. Même cas de figure pour le stade Caroline Faye de Mbour (8000 places) où s’étaient déroulés en 2015 cinq des six matchs de la Can U23 remportée par les Super Eagles du Nigeria.
Bien qu’ayant donné au sport « une place importante dans le PSE », le principal référentiel des politiques publiques du Sénégal depuis l’arrivée au pouvoir de Macky Sall en 2012, l’Etat sénégalais est conscient qu’il lui faut le concours des partenaires privés pour doter le pays d’infrastructures sportives dignes de ce nom.
Pour le directeur des Infrastructures, il appartient à l’Etat d’aller vers eux et de les convaincre qu’ils « ont tout à gagner dans l’investissement au niveau des infrastructures sportives si on comprend aujourd’hui l’économie du sport ».
ODL/id/cat/APA