A Douala, deuxième ville du Cameroun avec ses plus de trois millions d’habitants sur une population nationale de 25 millions, le transport est assurément l’un des problèmes les plus ardus. La faute à une multitude de raisons dont, pêle-mêle, l’insuffisance des moyens de transport, le défaut d’organisation des véhicules et motos-taxis s’offrant pour le déplacement des Doualais et le mauvais état des routes qui mènent souvent à des impasses.
Les autorités tentent certes d’apporter des solutions mais leur manière de faire est des plus équivoques. Si la Communauté urbaine de Douala s’est associée dans une formule de joint-venture avec l’entreprise privée la Société camerounaise de transport urbain (Socatur) pour mettre des bus en circulation, il reste que l’efficacité de cet effort est amoindrie par la dissolution de la Société des transports urbains du Cameroun (Sotuc).
Depuis cette mesure décidée en 1995, le transport bat de l’aile à Douala et les différentes initiatives prises jusqu’ici sont loin de régler le casse-tête auquel se heurtent quotidiennement les habitants de la grande métropole.
La nature ayant horreur du vide, les taxis, les minibus, les cars et autres motos-taxis sont venus proposer leurs services dans un désordre indescriptible où chacun cherche à tirer le maximum du désarroi des usagers.
Dans une récente sortie, le Syndicat national des chauffeurs de taxis a reconnu qu’à Douala, ville où « chacun se débrouille comme il peut pour se mouvoir (…), les modes de transport, tout en rendant service aux populations, ne garantissent pas toujours ni la qualité de service ni la sécurité des usagers».
Un aveu de taille que vit au quotidien Bessi Thomas, un fonctionnaire habitant la périphérie de Douala et obligé chaque matin de se rendre à son bureau situé au centre administratif de la ville. Pour ce faire, il quitte avant 6h30 son quartier « PK 14 », d’où il prend un car moyennant 150 FCFA, puis il descend au carrefour « Ndokoti » et, pour une course de 250 FCFA, emprunte un taxi jusqu’à son lieu de travail.
La randonnée est plus ardue pour Ngami Anatole, un autre fonctionnaire dont le domicile, situé au quartier « Bépenda » dans le 5eme arrondissement, est plus loin du centre-ville que celui de Bessi Thomas. Quittant toujours de bon matin, Ngami prend à 400 FCFA un moto-taxi jusqu’à la cathédrale d’Akwa (1er arrondissement), de là « comme, rappelle-t-il, les motos sont interdites d’entrée à Bonanjo (son lieu de travail) », il marche jusqu’à son bureau ou bien, si ses finances le lui permettent, il s’engouffre pour 100 FCFA dans un taxi.
Surfant sur le peu de choix des habitants, ces deux moyens de transport se livrent une forte rivalité. A ce jeu, les motos-taxis s’en tirent bien comme le reconnait triomphalement un des conducteurs de ces engins : « les motos sont partout. Si vous avez 100 FCFA ou 200 FCFA, on vous porte. Le prix se négocie selon la distance (…) sans les motos-taxis plus de 50% des habitants ne se déplaceraient pas ».
Incontournables à Douala où, selon beaucoup d’habitants, ils ont « détrôné les taxis », les motos-taxis ou « Bend skin » dictent quelquefois leurs tarifs à des clients stoïques. « Il arrive des moments où c’est à prendre ou à laisser », déplore cet usager, relevant au passage « l’impolitesse des chauffeurs de taxis et des conducteurs de motos-taxis ».
Entre autres pratiques imposées aux clients, il y a le « bâchage », procédé consistant à prendre à bord d’une moto deux à trois passagers se dirigeant vers la même destination. Les clients rencontrés clament tous qu’ils n’aiment pas être « bâchés » mais faute de choix et, dans la crainte d’arriver en retard, ils sont obligés de l’accepter.
Quelquefois, la modestie des moyens fait qu’on accepte sans sourciller le surnombre. « Au lieu de payer 500 FCFA du centre commercial Akwa à Ndokoti, nous pouvons payer le même montant si nous sommes deux ou trois » sur une moto, confesse ce passager s’apprêtant à enfourcher un engin.
Le voyage à bord des motos-taxis est loin d’être sans risque car beaucoup d’entre eux sont impliqués dans les nombreux accidents déplorés à Douala. Selon des sources hospitalières et policières, les chocs auxquels ils sont mêlés sont si fréquents qu’il existe à l’hôpital « Laquintinie » de Douala un lieu dénommé « pavillon Bend skin », où on ne trouve pratiquement que des victimes des motos-taxis.
Il est cependant exagéré de mettre sur les dos des motos-taxis les accidents, relèvent beaucoup d’habitants qui se plaignent du mauvais état des routes. Si elles existent, elles sont très dégradées et mènent pour certaines d’elles à des culs-de-sac, soulignent-ils.
A en croire des spécialistes en urbanisme, la solution serait de multiplier les bretelles car nombre d’artères convergent au centre-ville, alors que les quartiers spontanés naissent chaque jour, rendant plus difficile une offre de transport de masse.
MBOG/cat/APA