La vague répressive contre le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC, opposition) dont le leader, Maurice Kamto, crie au «hold-up» du pouvoir à l’élection présidentielle du 7 octobre dernier, se mêle, dans les journaux du pays parus lundi, à des préoccupations sociales, environnementales et économiques.
Le coordinateur du pool d’avocats commis à sa défense, Sylvain Souop, cité par Émergence et Le Messager, ne manque pas de dénoncer l’illégalité et l’arbitraire, mais aussi les conditions de détention, depuis plus d’une semaine, des opposants au regard des dispositions du Code de procédure pénale, les enquêteurs ne trouvant visiblement aucun motif à leur coller pour justifier leur mise sous mandat de dépôt.
Il y en a pourtant 13, parmi eux, ayant déjà été placés sous mandat de détention provisoire, depuis jeudi soir, à la prison centrale de Yaoundé, la capitale, révèle Le Jour, indiquant que les concernés, qui plaident tous non coupables, ont comparu, dès le lendemain devant le tribunal de première instance, après avoir été inculpés de trouble à l’ordre public, de rébellion et d’attroupement illégal.
Il s’agit de très lourdes charges qui pèsent sur les protestataires, les condamnations, rappelle The Sun, pouvant conduire jusqu’à la peine de mort.
Ce sont, constate perfidement The Post, les mêmes accusations qui valent l’embastillement, depuis plus d’un an, aux leaders sécessionnistes anglophones, dont le procès s’est enlisé au tribunal militaire.
Il y a un avis de tempête au Cameroun, s’émeut L’Avenir au sujet de la crise entre Maurice Kamto et Paul Biya : pour avoir osé user de la liberté de manifester reconnue par la Constitution, le leader du MRC et ses lieutenants méditent leur sort en cellule, la suite de l’escalade étant de nature à mettre le pays à feu et à sang.
Plus grave, signale l’hebdomadaire : exténués par la détermination de ce parti à défendre ses droits et à défier le pouvoir de Yaoundé, des caciques du régime incitent désormais à faire la guerre à une partie de la population acquise à la cause de l’opposition, dans un cocktail explosif qui dure depuis 2500 jours.
C’est qu’en matière de répression contre les manifestations du MRC, «l’affaire Kamto divise le sérail», soupire Sans Détour : «Face à la volonté de l’aide dure du régime, favorable à l’embastillement du leader du MRC et de ses lieutenants, de même qu’à la dissolution de ce parti politique, une poignée de barons du régime redoute, discrètement, que le répression outrancière ne contribue à faire de Maurice Kamto un martyr national. Surtout au moment où, visiblement, on tire vers la fin présumée du règne de Paul Biya.
L’idée de Kamto de contester les résultats de la dernière présidentielle, via des «marches blanches», est un acte politique qu’il convient de déconstruire avec des réponses politiques, convient L’Avenir, et l’embastiller, c’est démontrer aux yeux du monde entier que nous sommes dans une dictature, alors que le Cameroun est une République démocratique.
Avec Maurice Kamto, c’est désormais «le spectre du syndrome ivoirien» qui plane sur le pays, répond en écho L’Indépendant : la page judiciaire contre la barbarie s’ouvre, avec pour motifs des troubles à l’ordre public, l’hostilité contre la patrie, la rébellion de groupe, l’insurrection, l’incitation à la révolte, autant de charges qui pèsent sur le MRC. Mais l’État cèdera-t-il à la pression des lobbies occidentaux, exigeant la libération de personnes accusées de tels forfaits ?
Il existe des preuves suffisantes pour accabler Maurice Kamto, affirme en effet le bihebdomadaire Repères : en dépit de ses dénégations et de celles de ses partisans, le président du MRC porte la responsabilité, même tacite, des dérives observées lors des marches dites blanches du 26 janvier 2019 au Cameroun, en France et en Allemagne, où les représentations diplomatiques du pays ont été saccagées par des manifestants se réclamant de cette formation.
Prenant appui sur le fameux «hold-up électoral», et alors que pour le gouvernement, le parti veut inciter les compatriotes à braver l’ordre républicain, son président ayant appelé, appuie InfoMatin, à l’intensification des manifestations publiques dans plusieurs localités du pays, mais également dans la diaspora avec les conséquences néfastes que l’on sait.
Ce qui préoccupe davantage La Météo, c’est le climat malsain à la Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater), l’entreprise publique d’eau potable où, selon le quotidien à capitaux privés, il vient d’être découvert un vaste réseau de monnayage des potes à coup d’épaisses enveloppes de CFA et de promotions-canapé, au même moment que l’opérateur, fraîchement renationalisé, est au creux de la vague avec une eau boueuse régulièrement servie aux consommateurs, une communication catastrophique, une facturation au client inversement proportionnelle à l’ampleur des pénuries.
Il se dit même, ajoute l’hebdomadaire, que le chlore, servant à potabiliser l’eau, jadis livré en gros pour au moins un trimestre, est désormais acheté en détail avec un usage à flux tendu, dans une société par ailleurs quotidiennement secouée par des menaces de grève.
Dans l’extrême-Sud du pays, rien ne va non plus sur le front de l’exploitation forestière avec, alerte L’Épervier, la coupe anarchique du bois et le pillage systématique des espèces protégées.
Sous le titre «Pillage à ciel ouvert à Bengbis», la publication rend compte des collusions entre lesdits exploitants, des Occidentaux et des Chinois, les autorités administratives et les agents en charge de la protection de l’environnement avec, ici aussi, une forte odeur de corruption qui étouffe les plaintes des populations, qui implorent désormais, à défaut du ciel, au moins l’intervention directe du sommet de l’État «pour arrêter le massacre».
Une autre urgence, signalée dans les colonnes de Défis Actuels, est la dégradation continue de la balance des paiements : rien qu’en 2018, les importations de biens et services sont estimées à 4631,3 milliards FCFA, soit 21,6% du produit intérieur brut (PIB), constituant par conséquent une part importante de la demande intérieure, traduisant ainsi le niveau de dépendance de l’économie camerounaise à l’extérieur.
«En tout état de cause, il est important de souligner que l’importation a pour corolaire la diminution de la masse monétaire, définie comme la quantité d’argent détenue par le public. De la sorte, elle participe à fragiliser la liquidité de l’économie et donc son financement. L’importation détruit l’emploi au plan local, tout en créant des emplois à l’étranger. Elle diminue également nos avoirs de réserves, toutes choses qui doivent déterminer les autorités favoriser l’exploitation des facteurs de production dont dispose notre pays pour la production de certains biens, afin que les importations soient principalement faites pour les produits pour lesquels nos capacités de production sont faibles», résume, dans les colonnes du bihebdomadaire, le ministre des Finances en personne, Louis Paul Motaze.
C’est que, constate Repères, le gouvernement tiraillé entre le «made in Cameroon» et l’Accord de partenariat économique (APE) signé avec l’Union européenne : alors que le Premier ministre planche sur la promotion des produits locaux pour une réduction des importations, l’UE, au même moment, procède au tirage au sort pour la désignation des arbitres du règlement des différends, dans le cadre dudit Accord de partenariat.
Dans un contexte où l’APE est en vigueur, les intentions louables du gouvernement concernant la réduction des importations, ne peuvent réduire que très légèrement le déficit de la balance commerciale, puisqu’au bout du compte le consommateur préfèrera toujours des produits de qualité supérieure, proposés à moindres coûts et importés.
FCEB/cat/APA